« Tu m’écriras ? » « Promis. » Ah, la belle promesse ! Dire que c’était elle qui avait demandé qu’ils s’écrivent. Elle n’avait pas eu à insister beaucoup, certes ! Il avait été totalement partant pour lui écrire, les deux mois de séparation lui semblant déjà insurmontables avant même de les commencer. Mais elle avait insisté ! Et dans « tu m’écriras », il avait supposé qu’il y avait un « je te répondrais » tout à fait évident. Parce qu’il ne voyait vraiment pas l’intérêt d’écrire, si c’était pour ne pas répondre. Et son premier réflexe, chaque matin pendant toutes les vacances, avait été d’aller voir si un hibou n’était pas arrivé pendant la nuit. Même durant la journée, il s’était souvent surpris à scruter le ciel en espérant qu’un point noir apparaisse et se dirige vers lui, apportant une lettre … Qui n’était jamais venue. Pas une seule foutue lettre. Il en avait écrit plusieurs, de son côté, mais le silence radio qui lui était revenu en pleine face avait rapidement commencé à l’angoisser sérieusement. Il s’était imaginé les pires scénarios, mais il y en avait un qu’il n’avait jamais pris au sérieux, le plus réaliste mais aussi le moins plausible à ses yeux. Et pourtant, c’était celui-là qui s’était réalisé, quand il s’était rendu compte en revenant à Poudlard, à la fin de l’été, que si elle ne lui avait pas répondu, ce n’était pas parce qu’il lui était arrivé quelque chose de dramatique, ou parce qu’elle était clouée au lit avec tant de fièvre qu’elle ne pouvait pas aligner deux mots sur un parchemin. Non, c’était tout simplement parce qu’elle n’en avait pas eu envie. Enfin … C’était ce qu’elle lui avait clairement fait comprendre quand il avait essayé d’avoir une explication. Elle. Grace. Remus ne savait pas vraiment à quel moment leur amitié avait cessé de n’être qu’une simple amitié, pour devenir quelque chose de plus complexe, et de bien plus fort. A ses yeux, ça avait été bien plus fort, en tout cas. Même si cela n’avait duré, finalement, que quelques heures. Il en était malade. Il s’était passé quelque chose, il ne savait absolument pas quoi, qui avait réduit à néant des années d’amitié, ainsi que … Ainsi que ce qui était apparu entre eux à la fin de l’année précédente. Et cette idée le rongeait depuis qu’il était retourné à Poudlard, se glissant partout, jusque dans son sommeil, assombrissant son humeur avec plus d’efficacité qu’une pleine lune à venir.

C’était le premier week-end depuis la rentrée. Depuis une semaine, Remus avait essayé d’avoir une discussion avec Grace, mais tous ses efforts s’étaient vus tomber à l’eau, soit parce qu’il avait abandonné avant de pouvoir lui adresser le moindre mot, encore glacé par le regard qu’elle lui avait lancé dans le Poudlard Express, soit parce qu’elle avait toujours réussi à lui filer entre les doigts quand il parvenait à rassembler assez de courage pour se diriger vers elle avec force et détermination. Toutes ces occasions manquées n’avaient cessé de lui miner le moral, même si le seul fait d’imaginer avoir une conversation avec elle lui collait des nœuds à l’estomac tels qu’il n’en avait pas connus depuis sa première rentrée à Poudlard. Il n’avait absolument pas envie de se retrouver face à elle, il fallait bien l’avouer. Si vraiment il avait fait quelque chose pour qu’elle ne veuille plus lui adresser la parole, il n’avait pas envie de l’entendre le lui annoncer en face. Il n’avait pas énormément d’expérience en matière de filles, mais il ne voulait sûrement pas vivre l’humiliation d’une rupture en direct. Parce que finalement, il ne lui restait plus que ça … Le cœur brisé, il l’avait déjà. Alors que, techniquement, ils n’avaient jamais été ensemble ! « Je vais à la bibliothèque » Ses amis semblèrent outrés qu’il veuille déjà aller s’enfermer dans son repère favori, alors qu’une seule toute petite semaine s’était écoulée, mais il ne se laissa pas convaincre par un de leurs autres plans. En une semaine, ils avaient déjà récolté une montagne de devoirs, et Remus préférait s’y mettre maintenant, alors qu’il n’avait pas le moral pour faire quoi que ce soit d’autre, plutôt que d’attendre le dernier moment comme Messieurs Potter et Black. D’autant plus que la pleine lune se profilait déjà à une vitesse folle, et il voulait être à peu près à jour dans son travail scolaire quand elle serait tout à fait sur lui. Et puis, il comptait se mettre dans ses devoirs avec assez d’énergie pour ôter Grace de son esprit, ce qu’il n’avait pas réussi à faire depuis … et bien, depuis deux mois.

Il traversa le château sans prêter attention aux groupes qu’il croisait, sans jeter de regards par les fenêtres, d’où il entendait monter les cris de ceux qui s’amusaient sur les pelouses, insouciants et encore un peu en vacances. James, Sirius et Peter devaient les avoir rejoins, à cette heure-ci, et ils devaient s’amuser comme tous les autres. Il était le seul rabat-joie dans cette histoire … Pas que cela change beaucoup de d’habitude : même avant que Grace ne réquisitionne ses pensées, il avait toujours été celui qui s’inquiétait plus pour ses notes que pour sa côte de popularité. Mais cette fois, il n’avait pas non plus le cœur à travailler … Il devait s’y mettre, pourtant. Il pénétra dans la bibliothèque, où seuls quelques groupes d’irréductibles bosseurs avaient déjà installés leurs camps de base. Des élèves en uniforme bleu, pour la plupart, et Remus prit garde à ne pas les observer avec trop d’attention. Il n’était pas là pour penser à Grace ! Il s’assit à une table, loin de celle où il avait l’habitude de s’installer, et sortit ses livres de classe, dans lesquels il se plongea immédiatement. La complexité du devoir donné par McGonagall lui sortit très vite de la tête toute pensée parasite, que ce soit pour Grace ou pour le reste des Maraudeurs qui s’amusaient dehors. Les sourcils froncés sur son parchemin, il mâchouillait sa plume avec application, plongé dans des formules compliquées. Au bout d’un moment, il se leva, toujours plongé dans son devoir, et se dirigea machinalement vers la section "métamorphose" de la bibliothèque. Il parcourut les rayons, ses doigts courant sur les tranches des livres, jusqu’à ce que son visage s’éclaire légèrement en trouvant celui qu’il cherchait. Il le sortit de sa rangée et se retourna vivement pour retourner à sa table, mais tomba nez à nez avec une élève, qu’il faillit renverser. Elle-même était plongée dans sa lecture … « Grace ! » Le nom lui avait échappé, et il se mordit la lèvre. Il n’avait pas du tout prévu de la voir ici, et encore moins de lui adresser la parole. Toutes les fois où il avait essayé, il avait échoué … Mais maintenant qu’elle était en face de lui, il tenta de faire de l’ordre dans ses idées pour reprendre au plus vite ses esprits, et réussir à avoir cette conversation qu’il attendait depuis une semaine. « Tu as cinq minutes ? Il faut qu’on parle. » Voilà, c’était lâché, maintenant il ne restait plus qu’à savoir si elle était d’humeur à le supporter …