Les allées de la bibliothèque étaient très familières à Rebekka. En bonne petite Serdaigle, elle les avait parcourues à de nombreuses reprises, pourtant elle était loin d’avoir parcouru autant de livres qui en garnissaient les rayonnages que la plupart de ses camarades de classe. Ce lieu était principalement un havre de tranquillité pour la jeune fille, qui avait pris l’habitude de s’y installer avec un roman, pour lire en toute sérénité sans craindre d’être dérangée ou jugée. Chez les Serdaigle, on faisait passer le travail avant le plaisir, et on était toujours mieux vu avec un pavé imbuvable traitant de métamorphose avancée, plutôt qu’avec un recueil de poèmes ou une œuvre romantique. Et Rebekka était particulièrement friande de ces derniers choix. Mais aujourd’hui, elle n’avait pas le cœur à se plonger dans une histoire à l’eau de rose, où des amants maudits se déchireraient pour mieux se retrouver, causant des palpitations à son petit cœur d’adolescente aux hormones en ébullition. Cela faisait des mois, à vrai dire, qu’elle évitait ce genre d’histoires, privilégiant les romans épiques … Ou les pavés imbuvables de métamorphose avancée. Entrer dans le moule de la Serdaigle irréprochable avait ça de bon que cela la détournait de ses pensées, mais Rebekka ressentait trop rapidement l’envie de s’évader de ses révisions, et son esprit revenait au doute, à l’amertume et au cafard. En désespoir de cause, elle flânait à présent dans la bibliothèque, dans l’espoir de trouver une lecture qui la détourne efficacement de tout ce qu’elle cherchait désespérément à éviter. Mais la bibliothèque semblait d’humeur farceuse, car perdue dans ses pensées, Rebekka ne réalisa que trop tard qu’elle se trouvait en face de Remus – et il était en haut de sa liste des choses à éviter. En un instant, une tempête de souvenirs assaillit la jeune fille, l’emplissant de mélancolie, mais également de tristesse et d’un peu de colère. Elle allait tourner les talons pour l’éviter comme elle le faisait depuis des semaines, quand il lui adressa la parole. Mince alors, plus moyen de l’éviter … L’utilisation de son surnom lui serra la gorge, et elle détourna les yeux une seconde. « Ca va très bien. » Répondit-elle d’un ton un peu sec, et le regrettant immédiatement. Pourtant, elle ne fit pas mine de s’adoucir, ni même de renvoyer la politesse à Remus en lui demandant comment il allait. Elle n’avait pas du tout envie d’engager la conversation – ou n’était-ce pas plutôt qu’elle mourrait d’envie de le faire ? Elle devait l’éviter, c’est tout. « Désolée, je te gêne pour regarder les livres ? Je devais retourner à ma salle commune de toute façon. » Lança-t-elle finalement en s’écartant, en ayant bien conscience que cette excuse était pitoyable. Mais tant pis … Elle tourna les talons et commença à s’éloigner.